A l’occasion des funérailles de Jean-Pierre Bernhardt, son fils, Matthieu, a lu le texte de l’allocution qu’Ara Babloyan avait préparée. Celui-ci qui avait tenu à faire le voyage d’Erevan en Suisse pour participer à cette cérémonie était en effet tellement ému qu’il a dû renoncer à prendre la parole.

MERCI DE NOUS AVOIR APPRIS À RÊVER ET DE NOUS AVOIR SOUTENUS POUR RÉALISER NOS REVES

L’histoire commence en Suisse une nuit d’hiver 1988. Un médecin voit apparaître Charles Aznavour sur le petit écran de sa télévision. Ce soir-là, il ne chante pas : il parle d’un séisme qui vient d’avoir lieu et des Arméniens ensevelis sous les décombres dont les reins, conséquences d’une compression prolongée, arrêtent de fonctionner. Dans les jours qui suivent, Jean-Pierre, fidèle à sa vocation, se dépêche en Arménie accompagné d’un petit service de dialyse mobile et d’une équipe médicale organisée par la Société Suisse de Néphrologie. Il arrive dans la capitale arménienne où il est accueilli dans le service d’urologie pédiatrique dirigé par Ara. L’équipe suisse restera plusieurs semaines pour soigner les enfants.

Jean-Pierre raconte alors dans un de ses discours : « Nous avons travaillé côte à côte pendant 3 semaines avec la chance de voir guérir tous nos patients. Vous imaginez sans peine les liens qui se sont développés à cette occasion. C’est alors que nous prenons conscience des besoins du pays en traitement rénal. Décision est prise de laisser nos équipements sur place et de former une petite équipe locale. De retour 3 mois plus tard, je réalise que le petit centre fonctionne à
merveille ».

Ces journées de dures épreuves sont devenues une source d’amitié et de coopération. De retour en Suisse, Jean-Pierre crée la Fondation Suisse pour les Enfants atteints de Maladie Rénale en Arménie (SEMRA). Il tisse des liens solides de coopération entre la Suisse et l’Arménie.Dès lors, avec un dévouement et une affection profonde, il se consacre à la réalisation des projets de santé en Arménie. Grâce à ses efforts, le premier centre de rééducation pédiatrique, le Centre de Santé ArBeS, est créé à Erevan. En 2013, à l’occasion du 25 ème anniversaire, le centre est baptisé au nom de Jean-Pierre Bernhardt. Plus que 40 projets se réalisent, des vies de milliers d’enfants sont sauvées, le bien-être des enfants arméniens devient une priorité. Cofondateur de la Fondation Arabkir, Jean-Pierre la préside pendant 30 ans et a su regrouper autour de lui des spécialistes, des bénévoles pour donner la vie à de nombreux projets.

Son attachement et son affection pour l’Arménie sont si grands et si profonds qu’au Jura, son nom s’associe immédiatement à l’Arménie. Il est devenu un dévoué fidèle de la petite Arménie. Jean-Pierre Bernhardt, c’est un nom cher à tous ceux qui l’ont rencontré au moins une fois au Centre Médical Arabkir. A la seule évocation de son nom, les visages, empreints d’une reconnaissance chaleureuse, s’illuminent.

Sur la photo affichée au mur de mon bureau, le regard de Jean-Pierre apprécie le travail des Arméniens et les encourage. Jean-Pierre sourit avec ses yeux doux et avoue pourquoi il aime tant l’Arménie. Il l’exprime d’ailleurs tout simplement : « Ce n’est pas possible de ne pas aimer l’Arménie ». Il l’aime et il a su contaminer les autres de cette maladie, qu’on appelle arménophilie. Cette arménophilie s’exprimait aussi par une grande et solide amitié entre lui et Ara. Tous les deux, ils aimaient parler de cette profonde amitié et évoquer des souvenirs.

Ara dit à ce sujet :

« Durant mes septante ans de vie, j’ai rencontré plusieurs personnes, j’ai eu beaucoup d’amis. Mais Jean-Pierre est vraiment unique parmi eux. Je regrette infiniment que les gens comme lui ne soient pas plus nombreux dans ce monde. Il m’a non seulement transmis des compétences médicales, mais aussi des valeurs humaines, telles que l’humanisme, la responsabilité, la fermeté et la tolérance. Jean-Pierre ne peut pas mourir pour moi. Il vivra autant que je vis. Notre amitié est la preuve qu’il n’est pas important d’avoir des parents communs ou la même nationalité pour être des frères.

Repose en paix mon cher Ami – Frère Nous, tous les membres de cette grande famille Arabkir, pleurons le départ de notre cher Président d’honneur, de notre Ami et comme on l’appelait d’habitude de « notre Jean-Pierre ».

MERCI Jean-Pierre, MERCI pour l’Arménie, pour ton humanisme, pour ta confiance et pour ton accompagnement. »